Les erreurs médicamenteuses représentent l’un des risques les plus fréquents et les plus redoutés dans la pratique infirmière. Chaque étape du circuit du médicament — de la prescription à l’administration — peut être source d’incident, parfois avec des conséquences graves pour le patient. Face à un système de soins exigeant, et dans un contexte de charge accrue pour les soignants, renforcer la sécurité médicamenteuse est devenu un enjeu majeur pour les infirmiers.
Cet article propose une analyse claire, pratique et pédagogique des causes des erreurs et des solutions concrètes pour les prévenir au quotidien.
Pourquoi les erreurs médicamenteuses surviennent-elles ?
Une erreur médicamenteuse est définie comme un incident évitable lié à l’utilisation d’un médicament, pouvant entraîner un dommage pour le patient. Ces erreurs surviennent tout au long du parcours de soins et résultent rarement d’une seule faute : elles sont souvent la conséquence d’un enchaînement de facteurs humains, techniques ou organisationnels.
Des conditions de travail à haut risque
Surcharge de travail, multi-tâches, interruptions fréquentes, travail de nuit, fatigue cognitive : ces éléments réduisent la concentration et augmentent mécaniquement la probabilité d’erreurs, notamment dans l’identification du patient, le dosage ou la voie d’administration.
Des prescriptions parfois ambiguës
Une prescription illisible, incomplète ou ambiguë peut induire une confusion entre deux dosages, deux molécules ou deux formes galéniques. Même avec la généralisation du numérique, les erreurs de transcription ou d’interprétation demeurent.
Des erreurs lors de la préparation ou de l’administration
La préparation des médicaments reste l’étape la plus exposée. Une mauvaise dilution, un oubli de contrôle, ou une confusion entre deux produits de packaging similaire peuvent mener à une erreur médicamenteuse évitable.
Des failles organisationnelles persistantes
Manque de protocoles clairs, absence de double contrôle, défaut de communication au sein de l’équipe ou absence de matériel adapté : autant de facteurs systémiques qui fragilisent la sécurité des soins.
Comment prévenir les erreurs médicamenteuses en pratique infirmière ?
1. Appliquer systématiquement la règle des “5B”
Cette règle fondamentale est l’outil le plus simple et le plus efficace pour éviter les erreurs lors de l’administration :
- Bon patient
- Bon médicament
- Bonne dose
- Bonne voie d’administration
- Bon moment
Certains établissements étendent cette règle aux “7B” pour intégrer la bonne surveillance et la bonne traçabilité.
2. Réduire les interruptions pendant la préparation
La plupart des erreurs surviennent dans les phases où un soignant est interrompu. L’utilisation d’un badge ou d’un gilet “Ne pas déranger : préparation des médicaments” a démontré son efficacité dans plusieurs services hospitaliers.
3. Renforcer la traçabilité et le double contrôle
La vérification croisée entre deux professionnels diminue significativement le risque d’erreurs, notamment pour les médicaments à haut risque : insuline, anticoagulants, chimiothérapies, opioïdes, électrolytes hyperconcentrés. La traçabilité dans le DPI contribue aussi à sécuriser la continuité des soins.
4. Actualiser régulièrement ses connaissances
Les molécules évoluent, les interactions aussi. Pour prévenir les erreurs médicamenteuses, la formation continue en pharmacovigilance, en sécurité médicamenteuse et en lecture critique de prescription est essentielle pour chaque infirmier.
5. Organiser son poste de soin
Un espace clair, rangé, sans sources inutiles de distraction, et avec un accès facile au matériel et à l’information (protocoles, recommandations locales) améliore la qualité de la préparation.
6. Utiliser les outils numériques d’aide à la sécurisation
Codes-barres, logiciels d’aide à la prescription, alertes automatisées, applications d’interactions médicamenteuses : ces outils sont des alliés précieux pour réduire les risques.
7. Communiquer efficacement au sein de l’équipe
Une transmission claire, concise et structurée est l’une des clés de la sécurité des soins. Les méthodes comme SBAR améliorent la coordination et réduisent les risques d’incompréhension.
Témoignages et retours d’expérience de terrain
Un “quasi-accident” évité grâce au double contrôle
Élodie, infirmière en oncologie, témoigne : « Lors d’une préparation de chimiothérapie, ma collègue a remarqué que la dose prescrite ne correspondait pas au protocole habituel. Sans ce contrôle commun, une erreur grave aurait été possible. »
Des initiatives locales inspirantes
Dans plusieurs hôpitaux français, les CREX (Comités de Retour d’EXpérience) permettent d’analyser les événements indésirables médicamenteux dans un cadre non culpabilisant. Cette démarche favorise la culture de sécurité et l’amélioration continue.
Ce qu’il faut retenir pour sécuriser l’administration des médicaments
Points clés à retenir
- Les erreurs médicamenteuses sont évitables lorsqu’un système robuste et une vigilance collective sont en place.
- La prévention repose sur des gestes simples : 5B, double contrôle, traçabilité et communication.
- Les facteurs organisationnels et humains doivent être pris en compte pour améliorer durablement la sécurité médicamenteuse.
- Signaler un incident ou un quasi-accident contribue à renforcer la qualité et la sécurité des soins.
Ouverture
La prévention des erreurs médicamenteuses est l’un des piliers de la qualité des soins infirmiers. En combinant expertise, vigilance et travail d’équipe, chaque infirmier peut contribuer à un environnement de soins plus sûr, pour lui-même comme pour ses patients.
