Peut-on être accro au sucre, comme on peut l’être à diverses drogues ? Les chercheurs du monde entier se penchent depuis des années sur la question. Si les dangers d’une surconsommation de sucre sont établis, le degré d’addiction qu’il engendre ne fait pas encore consensus.
Obésité, diabète, caries et problème cardio-vasculaires. Les conséquences d’un abus de sucre sont aussi variées qu’elles peuvent être graves. Pourtant, le sucre joue un rôle essentiel pour l’Homme, le sucre sert de carburant à l’organisme. A la fois indispensable et addictif, réduire sa consommation de sucre peut s’avérer plus compliqué qu’il n’y paraît. Aucune étude n’existe sur le nombre d’addicts au sucre en France, mais on considère qu’une personne sur dix est dépendante au sucre dans le monde.
Les scientifiques ne s’accordent pas sur le degré d’addiction provoqué par le sucre. Ils s’accordent cependant sur le rôle joué par le sucre dans le cerveau. L’ingestion d’aliments sucré active le mécanisme du circuit de la récompense. Car le sucre est un plaisir comme les autres, qui délivre de la dopamine dans le cerveau, et donc du plaisir. C’est lorsque l’on cherche à répéter inlassablement ce schéma que la consommation devient problématique, et que les problèmes de santé entrent en jeu.
Sucre et cocaïne
En France, les travaux de Serge Ahmed, neurobiologiste et directeur de recherche au CNRS et à l’université de Bordeaux, sont les plus avancés sur l’addiction au sucre. Si elles ne font pas consensus dans le milieu scientifique français, ces recherches éclairent sur la place du sucre dans nos vies, et le rôle qu’il joue sur le cerveau. La théorie défendue par Serge Ahmed est simple : la réponse du cerveau à la consommation de sucre est similaire à celle d’une prise de drogue dure. Il a mis au point un test sur des rats, en leur laissant le choix entre de la cocaïne et du sucre. Les rongeurs ont dans une écrasante majorité préférés le sucre.
Dans une interview au Figaro https://sante.lefigaro.fr/article/le-sucre-presente-un-potentiel-addictif-aussi-important-que-l-alcool-ou-la-cocaine, ce dernier expliqué le caractère insidieux de l’addiction au sucre, bien moins marqué et détectable que celles à d’autres substances : « De même que pour l’alcool ou le tabac, la majorité des personnes affectées présentent une addiction modérée. La question du sevrage est un élément important : se passer de sucre est sans commune mesure avec le sevrage à l’alcool ou aux opiacés, mais cela peut varier selon les individus. » Une consommation incontrôlée aux effets réels sur l’organisme, et le cerveau : « On sait maintenant que la consommation chronique et prolongée de sucre entraîne – comme pour d’autres drogues – des modifications biologiques durables dans le cerveau. »
Une addiction modérée ?
Plus récemment, le spécialiste des maladies cardiovasculaires James Dinicolantonio et le cardiologue James H.O’Keefe ont compilé et analysé les résultats d’une soixantaine d’études publiées sur le sujet à travers le monde. Une majorité de ces études ont aussi été faites sur des rongeurs, qui possèdent comme l’homme le circuit d’activation de la récompense dans leur cerveau. Leur analyse démontre que le lien entre addiction au sucre et à la cocaïne dépasse les frontières : « La consommation de sucre produit des effets similaires à la consommation de cocaïne, notamment parce qu’elle altère l’humeur, possiblement parce qu’elle induit le plaisir et active le mécanisme du circuit de la récompense se trouvant dans le cerveau, ce qui provoque la recherche du sucre ».
Dans une thèse (https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01565259/document) portant sur le « rôle du pharmacien d’officine dans le conseil nutritionnel » et présentée en 2017 à l’université de Pharmacie de Grenoble par Clara Candy, le côté addictif était largement nuancé : « C’est davantage la stigmatisation du saccharose et des produits sucrés qui aboutit à la mise en place d’une relation pathologique entre le consommateur et l’aliment. (…) Ainsi, ce n’est pas parce que les mécanismes cérébraux activés par le sucre ou les substances sucrées sont similaires à ceux des substances stupéfiantes que ces derniers doivent être considérés comme des drogues. »