Journal des Infirmiers

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La protection des majeurs

Par Virginie GIRAUD -Juriste Formatrice et Consultante – Spécialisée en droit des personnes vulnérables et en protection des données personnelles

La loi n°2007-308 du 05 mars 2007 portant réforme de la protection des majeurs
Cette loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2009. Elle a recentré le dispositif de la protection des majeurs sur les personnes atteintes d’une altération des facultés mentales ou corporelles. Une mesure de protection ne peut désormais être ouverte qu’à l’appui d’un certificat médical circonstancié. La loi de 2007 a renforcé la place du majeur protégé dans l’exercice de sa mesure de protection, la protection de ses droits, le respect de sa parole et de sa volonté. Le législateur a d’ailleurs créé des actes « strictement personnels » que seul le majeur protégé peut accomplir, et précisé que celui-ci « prend seul les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet » (article 459 du code civil).
Cette loi a également défini un statut pour le protecteur professionnel – le Mandataire Judiciaire à la Protection des Majeurs (MJPM), avec des conditions de formation, une obligation d’habilitation pour exercer son métier, et l’encadrement de sa rémunération par la loi.


La loi de 2007 a créé d’autres dispositifs tels que la mesure d’accompagnement social personnalisé pour accompagner les personnes bénéficiaires de prestations sociales en difficulté financière. Elle a innové en consacrant un dispositif d’anticipation de la vulnérabilité et en créant le mandat de protection future. Enfin, la loi du 5 mars 2007 a assimilé les services de tutelles à des services médico-sociaux en les soumettant aux dispositions de la loi du 2 janvier 2002. Les MJPM doivent ainsi élaborer pour chaque personne protégée, un Document Individuel de Protection de Majeurs à l’image du projet de vie, et transmettre à cette dernière, une notice d’information et la charte des droits de la personne protégée.

Les ajustements de la loi suite à la réforme de 2007
Au fur et à mesure de son application, la loi de 2007 a fait l’objet de quelques ajustements.
En effet, par exemple, une loi du 16 février 2015 a créé la mesure habilitation familiale.
Une loi du 23 mars 2019 a allégé le contrôle du juge des tutelles dans la gestion patrimoniale exercée par les MJPM, renforcé les droits des personnes protégées (droit de vote des personnes sous tutelle, mariage, …) et la responsabilité des professionnels de la protection des majeurs.

Le contenu de la protection des majeurs
Qui peut faire une demande de mise sous protection ?4
La demande est adressée au Juge des Tutelles par : la personne à protéger, le conjoint, le partenaire PACS ou concubin, les ascendants, descendants, les frères et sœurs, un parent ou allié, ou toute personne qui entretient des liens étroits et stables avec le majeur.
La demande est adressée au Procureur de la République par toute autre personne, (ex : professionnels intervenant auprès de la personne à protéger). Le procureur peut se saisir d’office. Il saisira le juge des tutelles d’une demande de mise sous protection s’il juge cette demande nécessaire.
La demande de mise sous protection adressée au Juge des tutelles doit être accompagnée, à peine d’irrecevabilité, d’un certificat médical circonstancié.
Depuis 2019, les professionnels alertant le Procureur de la République de la nécessité d’une mise sous protection de la personne qu’ils accompagnent, doivent accompagner cette demande des informations dont ils disposent sur la situation sociale et pécuniaire de la personne qu’il y a lieu de protéger et l’évaluation de son autonomie ainsi que, le cas échéant, un bilan des actions personnalisées menées auprès d’elle.

Le traitement de la demande de mise sous protection par le juge des tutelles (désormais juge de la protection et des contentieux) s’accompagne d’une audition obligatoire de la personne à protéger, d’une audition facultative de la famille et parfois, de la prise de mesures d’urgence telles que la sauvegarde de justice avec ou sans mandat spécial7.
La sauvegarde de justice avec ou sans mandat spécial est une mesure ponctuelle permettant la protection du majeur protégé a posteriori. Sa durée est d’1 an maximum, renouvelable une fois. La personne protégée conserve sa pleine capacité juridique durant toute la mesure de sauvegarde, dans la limite des missions éventuelles confiées au mandataire spécial. Le mandataire spécial désigné représente la personne protégée pour des missions définies par le juge des tutelles
Le juge des tutelles doit donner priorité à la famille dans la désignation du protecteur. Mais si cela n’est pas possible, il pourra alors désigner un protecteur professionnel.

Les mesures de protection juridique

La curatelle : une mesure d’assistance
Concernant la curatelle simple, le majeur protégé accomplit seul les actes de la vie courante : il gère son compte courant, ses ressources et ses charges, notamment. Le majeur protégé prend les décisions relatives à son patrimoine et à sa personne, avec l’assistance de son curateur pour les actes les plus graves : prélèvements sur comptes de placement, vente d’un bien immobilier, acceptation d’une succession, etc …. L’assistance du curateur se traduit par la co-signature du curateur des actes passés par la personne sous curatelle (exemple : un acte de vente)
La curatelle renforcée est une mesure d’assistance également dans laquelle le curateur gère en plus, les ressources et les charges au nom de la personne protégée et laisse l’excédent à la disposition de cette dernière.

La tutelle : une mesure de représentation
Le tuteur agit au nom du majeur protégé dans tous les actes de la vie courante. Le tuteur doit obtenir l’autorisation du juge des tutelles pour les actes graves.

L’exercice de la mesure de protection par le Mandataire Judiciaire à la Protection des Majeurs

Les devoirs du MJPM vis-à-vis du majeur protégé
Le protecteur doit assurer des « soins prudents, diligents et avisés » sur les biens de la personne protégée. La loi de 2007 protège le logement principal de la personne protégée, ainsi que ses comptes bancaires dans l’exercice de la mesure de protection.
Le MJPM doit exercer la mesure de protection en favorisant l’autonomie de la personne protégée. Ainsi, le majeur protégé peut accomplir certains actes, seul, quelle que soit sa mesure de protection, il choisit son lieu de vie et ses relations personnelles sans l’intervention de son protecteur. L’élaboration d’un Document Individuel de Protection des majeurs est obligatoire, projet de vie de la personne protégée. Le MJPM a une obligation générale d’information envers le majeur protégé, afin de garantir la défense de ces droits fondamentaux.

Les obligations du MJPM vis-à-vis du juge des tutelles :
Le MJPM doit rendre compte de sa gestion au juge des tutelles. Il réalise un inventaire des biens de la personne protégée au début de la mesure, puis transmet un compte-rendu de gestion et un compte-rendu de ses actions, tous les ans. Il tient informé le juge régulièrement de l’évolution de la situation du majeur protégé.

La mesure d’habilitation familiale : une mesure de protection juridique créée en 2015

L’habilitation familiale « permet aux proches d’une personne hors d’état de manifester sa volonté de la représenter sans avoir à se soumettre à l’ensemble du formalisme des mesures de protection judiciaire que sont la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle. » Elle permet aux proches d’une personne incapable de manifester sa volonté de la représenter dans tous les actes de sa vie ou dans certains actes déterminés par le juge seulement.
Cette mesure de protection est fondée sur l’adhésion de la famille à la désignation de l’habilité. Ce dernier, une fois autorisé par le juge, n’a aucun compte à rendre durant la mesure qui peut durer 10 ans renouvelable.

La volonté de la personne protégée dans le soin

Le code civil précise que « la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet », c’est-à-dire si celle-ci a suffisamment de discernement.
Le code civil nous précise toutefois, que l’application de cette disposition « ne peut avoir pour effet de déroger aux dispositions particulières prévues par le code de la santé publique (…) prévoyant l’intervention d’un représentant légal. » Par conséquent, les dispositions du code de la santé publique s’imposent et nécessitent la recherche de la participation de la personne sous tutelle et le recueil du consentement du représentant légal donc du tuteur. On assiste alors à un double consentement à un acte médical.
Le législateur indique depuis 2019, que lorsque l’état de la personne protégée ne lui permet pas de prendre seule une décision personnelle éclairée, le consentement du représentant légal (tuteur ou habilité familial) est requis pour l’ensemble des actes médicaux, y compris pour les actes ayant pour effet de porter gravement atteinte à son intégrité corporelle, nécessitant l’autorisation du juge des tutelles avant 2019.
Concernant la curatelle, le code de la santé publique ne mentionnant pas l’existence de la curatelle, le droit commun s’applique pour la personne sous curatelle. Le rôle de son protecteur est ici de s’assurer que la personne protégée a bien reçu l’information suffisante pour prendre ses décisions en toute connaissance de cause.

1- Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale
2- Loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures
3- Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice 4 Article 430 du code civil
4- Article 431 du code civil
5- Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice 7 Articles 433 à 439 du code civil
7-Articles 433 à 439 du code civil

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