Je vous laisse vous présenter ?
Je suis Hélène Abadie, 31 ans. Je suis infirmière depuis 2012 et IADE depuis 2018 en clinique.
Pouvez-vous me raconter votre parcours ?
En tant qu’infirmière j’ai d’abord fait de l’intérim pendant 3 ans, dans des services techniques, urgences, unité de soins continus, cardio. Ensuite j’ai fait 1 an et demi de nuit en clinique en unité de soins continus et les urgences, puis 1 an et demi de jour, aux urgences uniquement. En 2016, j’ai passé le concours IADE. En IFIA, on ne revoit pas les bases de l’IFSI, donc il faut être sûr de les avoir. En se présentant au concours, la très grande majorité des gens ont déjà des expériences dans les spécialités de IADE : chirurgie viscérale, chirurgie céphalique, obstétricale, pédiatrie, urgence et SMUR, traumatologie/ orthopédie, gestion de la douleur etc…Durant la formation, on ne peut plus travailler car on est en 35h. C’est considéré comme une reconversion professionnelle par l’État. Il faut se renseigner car il existe des aides, notamment auprès de pôle emploi.
« J’ai la chance d’être En clinique. »
Elle se réjouit de la flexibilité d’horaire et de salaire que lui accorde la clinique, ce qu’elle estime moins évident « lorsque l’on est embauché par un médecin (MAR) puisqu’il est à la fois notre patron et notre collègue. Lorsque l’argent rentre en ligne de compte dans la relation, elle devient plus délicate ». En hôpitaux, on est toujours 2 pour endormir (infirmier IADE et médecin anesthésiste). Il y en a un qui gère les produits et l’autre qui gère la tête (c’est-à-dire les voies aériennes). En clinique je suis seul à le faire. A savoir qu’il existe plein de modes d’anesthésie, l’anesthésie générale, locale, rachi, péridurale et même l’hypnosédation.
Etes-vous spécialisé dans une discipline au sein du bloc opératoire ?
Non, je suis dans un bloc pluridisciplinaire. On fait tout sauf de la gynéco-maternité, le cardio et le pulmonaire. Lors de l’opération il peut y avoir un conflit de lieu dans le sens ou le chirurgien opère ce que nous devons surveiller, à savoir les voies aériennes. Les IADE sont garants de la survie du patient tandis que le chirurgien est là pour le soigner. Si on dit « stop » c’est « stop ». La priorité c’est le patient, ensuite c’est la chirurgie et le confort de chacun. C’est le principe de la balance bénéfice/risque.
Ce qui vous plaît le plus ? Les difficultés du métier ?
Les connaissances. On continue d’apprendre sans cesse malgré la routine et le quotidien. Le champ des possibles est incroyable. Ensuite… l’autonomie. On gère nos produits, notre matériel, nos process. On gère 100% de l’anesthésie. En revanche, il arrive régulièrement d’avoir besoin d’aide, et il ne faut pas hésiter à être à 4 mains. Il faut vraiment savoir mettre de côté son ego quand on n’arrive pas à faire quelque chose. Ça dépend aussi de l’urgence et de la discipline chirurgicale : en cardio-respiratoire, on est obligatoirement deux par exemple. C’est une spécialisation que je ne regrette absolument pas, je la conseille à tous. Après tous les profils ne peuvent pas être infirmiers anesthésistes. Il faut être capable de prendre une décision rapidement. Tout va bien jusqu’au moment où ça bascule, et quand ça bascule il faut savoir garder le contrôle et son sang-froid. D’où l’importance d’avoir eu l’expérience de la réanimation avant la formation IFIA, ça aide vraiment. Il faut savoir comprendre la gravité de la situation pour implémenter les bonnes décisions, le plus vite possible.
« Je trouve ça plus facile qu’infirmier seul. »
Ce métier, je ne lui trouve pas beaucoup de défauts. On est considéré par les médecins, par les infirmières, par les cadres. Avec le privé, je n’ai ni garde, ni d’astreinte, pas de weekend à faire. C’est bien moins contraignant.
Quelles aptitudes, quelles qualités faut-il pour exercer en tant qu’IADE ?
Ce sont les mêmes qu’infirmiers. A ça il faut rajouter du recul sur la situation. Il faut savoir rester calme. C’est vraiment lors des situations d’urgences que l’on voit les différentes personnalités. Le sang-froid, c’est inné, on l’a ou on ne l’a pas.
Quels conseils donneriez-vous à un(e) jeune infirmier(ière) qui souhaiterait se lancer ?
Je lui dirais de négocier son salaire et ses horaires, car « tout est négociable ». A titre personnel la seule chose que je regrette, c’est de ne pas être restée un peu plus longtemps infirmière. J’ai évolué car j’avais le sentiment d’être arrivé au bout de ce que pouvait m’apporter le métier en termes de connaissances. Une fois qu’on est IADE, on ne peut pas redevenir infirmière. En fait, je pense que j’avais encore des choses à voir en tant qu’infirmière qui auraient pu m’être utile en tant qu’infirmière anesthésiste. Ce n’est que mon expérience, beaucoup ne pensent pas ça.
« La passion, plus tu l’as, plus c’est difficile »
C’est paradoxal de dire ça mais la passion, plus tu l’as, plus ça te bouffe, plus c’est difficile. C’est là ou émotionnellement ça peut être terrible. C’est un métier qui demande déjà énormément d’investissement, alors il faut faire attention à garder une limite vie professionnelle et vie privée, à garder une distance émotionnelle. Il faut savoir dire non. Et c’est difficile, surtout pour les jeunes qui débutent. Mais il faut s’accrocher, c’est un métier formidable.
Y a-t-il des passerelles d’une spécialité infirmière à l’autre ?
Non, si je voulais être IBODE je devrais refaire la formation spécifique. La seule passerelle qui existe est pour médecine, ou l’on peut rentrer en p3 p4.
Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
« Nous revendiquons la reconnaissance en pratique avancée. » Sans ça, notre métier va disparaitre, ou il risque de devenir obsolète.
« Ce qui est génial avec le métier d’infirmier, c’est qu’on peut changer de métier, sans changer de métier. » Elle fait référence à toutes les spécialités et spécificités à travers lesquelles on peut évoluer et qui façonnent une carrière, que ce soit dans les services techniques ou non. « On estime qu’entre 3 et 5 ans on est expert dans notre domaine. Passé ces 5 ans, on a besoin d’être de nouveau stimulé et on change de service. C’est reste un challenge car il faut reprendre ses études. »
Interviewée par Maxime Mathonat