Avec ses 24 mois de formations, l’anesthésie est la plus longue des spécialisations infirmières. Elle est donc reconnue au titre de bac+5. Au 1er janvier 2020, il y avait 11 211 infirmiers anesthésistes en exercice en France métropolitaine, ce qui équivaut à moins d’1% de la population infirmière (source Drees, 2020). 31% sont des hommes.
Je vous laisse vous présenter ?
Je suis Florent Massacrier, 39 ans, infirmier depuis 2002 et spécialisé en anesthésie depuis 11 ans. Je fais partie du collectif des infirmiers anesthésistes de Rhône-Alpes.
Pouvez-vous me raconter votre parcours ?
Une fois infirmier j’ai d’abord fait 1 an en réanimation polyvalente au CHU de Saint-Etienne. J’ai poursuivi avec 4 ans aux soins intensifs post-opératoire au CHU de Saint-Etienne avant de présenter le concours en spécialisation anesthésie. À ma sortie de l’IFIA et désormais IADE, j’ai d’abord travaillé 6 ans au bloc opératoire des urgences et d’orthopédie- traumatologie. Aujourd’hui et depuis 5 ans, je suis au bloc opératoire de chirurgie cardiovasculaire, toujours dans ce même CHU.
En quoi consiste cette spécialisation ?
Mon travail consiste d’abord à accueillir et rassurer le patient que je vais prendre en charge. Je prépare ensuite le site d’anesthésie de façon sécuritaire, de façon à pouvoir parer à tout imprévu durant l’intervention. Ensuite on monitor le patient, on l’endort, on l’équipe en fonction de la chirurgie prévue et en fonction du terrain du patient. L’objectif est de délivrer la meilleure forme d’anesthésie au malade et de veiller à son bon déroulement durant toute la durée de l’opération, et ce jusqu’au passage de relais, soit en salle de réveil (SSPI), soit en réanimation.
Pourquoi avez-vous choisi de vous spécialiser en anesthésie ?
J’ai choisi cette spécialité parce qu’elle est technique, pointue, elle demande énormément de connaissance. Il faut savoir gérer son stress. L’anesthésie, c’est un monde fascinant, on a la maîtrise complète du patient en face de nous. On peut lui faire changer d’état de conscience en 30 secondes, et on essaie de gérer le mieux possible toutes ses fonctions vitales, que ce soit neurologique et cérébrale, l’hémodynamique ou la fonction ventilatoire. C’est quelque chose qui m’a tout de suite passionné, dès mes études d’infirmiers. J’ai orienté ensuite mon parcours professionnel en soins techniques, donc en réanimation aux soins
intensifs, pour me préparer au mieux à la spécialisation en anesthésie. Lors de mes stages, j’ai pu faire du bloc opératoire, des urgences, du SMUR et des services de chirurgie.
Quelles sont les difficultés du métier ?
Les difficultés, ça peut être l’alternance jours nuit, la lourdeur des gardes, la lourdeur émotionnelle. Après, moi j’aime mon métier, on ne peut pas dire que j’ai d’énormes difficultés dans mon métier, ça ne serait pas vrai.
Au niveau des aptitudes et des qualités nécessaires à l’exercice du métier, vous l’avez dit, il y a la gestion du stress. Autre chose ?
La gestion du stress oui, c’est certain. Ensuite, il faut de l’anticipation, beaucoup de communication, de la réflexion, être capable d’assimiler un grand nombre de connaissances, savoir se remettre en question, être toujours vigilant…
Pour une opération nous sommes au moins 6 ou 7 autour du patient. Je travaille en collaboration très étroite avec le médecin anesthésiste, avec mes collègues IBODE ou infirmiers de salle d’opération, et puis avec le chirurgien. Et la communication est nécessaire pour œuvrer dans le même sens.
Il y a un seul infirmier anesthésiste par salle d’opération. On est complètement autonome. Le démarrage, ce qu’on appelle l’induction en anesthésie, là où on fait perdre conscience à la personne, ce fait à 4 mains selon les recommandations de la SFAR (Société française d’anesthésie et de réanimation). Cela, on le fait avec le médecin anesthésiste. Après, l’infirmier anesthésiste gère plus de 80% de l’opération tout seul en salle.
Dans quelles autres disciplines peut-on exercer cette spécialité ?
On peut l’exercer dans toutes les disciplines chirurgicales qui existent. Là je suis en cardiovasculaire, mais on peut faire de l’orthopédie, de la chirurgie viscérale, du thoracique, de la pédiatrie, de l’obstétrique etc… On peut faire de la réanimation dite éphémère dans les salles de réveil, on peut faire du SMUR pour les transferts intra-hospitaliers, ou travailler dans des centres de douleur, mais l’essentiel de l’activité reste l’anesthésie en elle-même au bloc opératoire.
Vous êtes plutôt cantonné à une discipline ou vous pouvez passer d’une discipline à l’autre facilement ?
Je travaille au CHU, donc on est plutôt spécialisé, voire hyperspécialisé dans une discipline. Néanmoins, on a les bases pratiques et théoriques pour faire toutes les anesthésies possibles. Dans les structures hospitalières générales ou les cliniques on peut faire dans la même semaine de l’orthopédie comme de la chirurgie viscérale par exemple.
Vous apprenez les spécificités de chaque discipline chirurgicale en formation ou sur le tat ?
Durant la formation anesthésie, comme pour la formation infirmière, on apprend l’anesthésie par grande spécialité chirurgicale. On acquiert pendant ces 2 ans une grande base théorique, et puis après effectivement c’est du compagnonnage sur le terrain.
Comment a évolué votre métier ?
Le diplôme et la formation ont beaucoup changé. Ça a aussi beaucoup changé d’un point de vue technologique, notamment au niveau du monitorage et au niveau de l’évolution des techniques chirurgicales.
Quels conseils donneriez-vous à un jeune infirmier qui souhaiterait se lancer ?
Être motivé, travailler beaucoup, orienter ces stages vers des structures de soins ou il y a de la réanimation, de la salle de réveil (SSPI) ou des urgences. Acquérir le plus rapidement des bases techniques pour commencer à faire preuve de débrouillardise par rapport à la spécialisation IADE.
Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
« La spécialisation anesthésiste doit être reconnue comme pratique avancée (IPA) »
Il y a beaucoup de débats concernant la Pratique Avancée (IPA). En tant qu’anesthésiste, on se considère déjà en pratique avancée. On va vraiment tout faire pour que cette spécialisation soit reconnue au niveau de la pratique avancée, dans la mesure où nous sommes la seule spécialité infirmière à avoir une exclusivité d’exercice, et où nous avons la plus longue formation théorique et pratique. Cette reconnaissance est légitime et mérite d’être implémentée le plus vite possible. Dans le cas contraire, la profession IADE pourrait perdre toute une partie de son attrait. C’est donc fondamental pour l’avenir.
Maxime Mathonat