Charlène est partie vivre au Canada il y a un an, et travaille depuis en tant qu’infirmière en milieu
hospitalier. Entre contrainte administrative, adaptation à un nouveau mode de vie et Covid-19, elle
nous raconte son quotidien.
Charlène obtient son diplôme en 2015, à Nevers, et est directement affectée à l’établissement de la ville, l’Hôpital Pierre Bérégovoy. Après quatre ans dans la routine dans la préfecture de la Nièvre, la décision de voir d’autres contrées se fait de plus en plus pressante. Après un voyage au Canada avec sa compagne, elle aussi infirmière, elles décident de sauter le pas : « Si j’étais restée en France, je pense que j’aurais fait un an de plus et j’aurais cherchée à me reconvertir. En France, j’avais l’impression de ne plus travailler dans un hôpital mais une usine. Au milieu de ça, ce sont les patients qui sont les plus impactés.»
Les démarches administratives
Avec un tel changement de vie vient forcément une charge administrative importante. Le parcours avant de s’envoler vers le Canada s’avère long et sinueux. Un seul remède – la patience. Heureusement, certaines procédures sont facilitées entre la France et le Canada : « D’abord, il faut faire la reconnaissance de diplôme auprès de l’ordre des infirmières du Québec par le biais de l’arrangement de reconnaissance mutuelle qu’il y a en place avec la France : ça coûte 725 dollars canadien, et il faut répondre à certains critères pour y être éligible. Cela amène à pouvoir réaliser un stage d’adaptation de 75 jours travaillé qui doit être validé si l’on veut pouvoir être reconnu en tant qu’infirmière. Avec la formation française on est reconnu infirmière clinicienne, qui est mieux rémunéré ! »
Ensuite, deux solutions s’offrent à qui veut travailler sur le sol canadien. D’abord, le permis de travail temporaire (PTT). Il s’agit de trouver un employeur soit en postulant directement auprès des établissements avec des candidatures spontanées ou alors en passant par un organisme de recrutement dans le domaine de la santé qui a des mandats pour différents hôpitaux. Avec le PTT, l’infirmière est ainsi liée directement à l’employeur durant la durée du permis : « La finalité reste la même, c’est l’employeur qui sera en charge de faire le certificat d’acception au Québec et l’Etude d’impact sur le marché du travail de là personne recrutée. Ces deux documents permettront de faire le permis de travail qui sera d’une durée de 3 ans. Il permet d’avoir accès à l’assurance maladie du Québec. Le PTT a un coût aussi avec les données biométrique 240 dollars. Il faudra aussi faire la visite médicale avec prise de sang et radio pulmonaire, qui coûte environ 250 dollars. »
Autre possibilité que le PTT, le Permis Vacances Travail (PVT). D’une durée d’un an maximum, il permet de partir au Canada sans avoir d’employeur à l’avance et donc de chercher sur place. L’infirmière a donc la liberté de ne pas être liée avec un employeur. Principal inconvénient : le besoin d’une assurance santé pour toute la durée du PVT, car elle n’est pas prévue au Canada.
Une nouvelle vie
Après quelques mois de recherche, Charlène et sa compagne sont affectées à l’Hôpital de Sorel-Tracy, à 45 minutes au nord de Montréal. « On est arrivé au Canada il y a juste un an, donc au moment ou les premières mesures contre le Covid-19 étaient prises. Par rapport à ce que nous disent nos amis en France, les mesures au Canada ont été prises assez rapidement. On est arrivée au Québec le 18 février 2020, on a été recrutées en mars 2020, et on a commencé à travaillé le 6 avril 2020 ! »
Malgré les liens historiques et culturels entre la France et le Québec, l’adaptation à une nouvelle culture et un nouveau pays, dans un contexte de pandémie mondiale, n’a pas été si facile dans les premiers mois :
« On a exercé quatre ans en France, et l’arrivée là-bas a été assez brutale. Ce n’est pas que l’exercice est si
différent, mais c’est une autre culture, et ils faut s’adapter à une vision différente du travail. » Une adaptation rapide et brutale mais de bonnes surprises : « Une chose qui nous avait surpris lors de notre
recrutement, c’est qu’ils ont vision de la famille tout autre qu’en France. On voulait absolument avoir des
horaires et un rythme de travail similaire pour pouvoir profiter de cette expérience ensemble, et ils n’ont
pas hésité à nous dire qu’il ferait le nécessaire. Pour eux, des personnes bien dans leur vie personnelle sont des personnes susceptibles de revenir travailler en supplémentaire si besoin ! »
D’emblée, Charlène fait le choix de travailler aux urgences, comme elle le faisait à Nevers, tandis que sa compagne travaille aux soins intensifs : « J’ai voulu absolument garder le même service qu’en France, car j’affectionne le domaine de l’urgence, et je voulais éventuellement voir les similitudes et différences dans le fonctionnement d’un service d’urgence français et québécois.»
Deux systèmes bien différents
Et c’est justement ce choix de continuer dans la même branche qui lui permet d’apprécier le confort dans lequel elle travaille aujourd’hui : « Le Canada a une organisation différente. On a plus de temps avec nos patients, et plus d’effectifs. D’un autre côté, on passe aussi plus de temps à remplir des documents administratifs. Il y aussi certains soins que l’on ne fait plus en France et que l’on continue de faire au Canada.
Cette lenteur administrative, souvent accolée à l’administration français, semble être plus répandue outre – atlantique, notamment dans le domaine médical : « Les temps d’attentes sont un peu plus longs car ici l’accès à un médecin de famille est assez compliqué. Au bout d’un an nous n’avons toujours pas de médecin généraliste , il y a une liste d’attente , ça peut facilement aller jusqu’à deux ans d’attente !
Heureusement il y a des cliniques où il est possible de voir un médecin, avec ou sans rendez-vous. Les pharmacies peuvent être des ressources en donnant beaucoup de conseils sur certaines médications qui n’ont pas besoin d’ordonnances. » Autre contrainte pointée par la jeune infirmière : les temps supplémentaires obligatoires (TSO). « S’il manque du personnel sur le poste de travail suivant ils peuvent obliger du personnel à rester travailler pour un deuxième poste consécutif … On a un rythme de travail en 8h , il y a très peu de 12h ! »
Le Québec offre tout de même des avantages, notamment financiers : « Le salaire est meilleur oui, pas doublé par rapport à la France mais presque. Il y a surtout une meilleure reconnaissance par rapport à la France, ou on avait l’impression que les patients prenaient moins en considération notre travail.
Une meilleure gestion du Covid-19 ?
En plus des services d’urgence hospitalière, Charlène est aux premières loges de la gestion canadienne de la gestion du Covid 19, tout en gardant un œil sur la France. Si tout n’est pas parfait dans la gestion canadienne de l’épidémie, la prise en charge des patients et le traçage du virus semble plus efficace qu’en France : « Je dirais que la situation est un peu moins préoccupante par rapport à la France. Des zones chaudes – tièdes – froides ont été mis en place, pour pouvoir soigner tout le monde en évitant d’exposer les patients à des contaminations alors qu’il ne présente aucuns symptômes lié à la Covid. Si le patient n’a pas de symptôme il est catégorisé froid, s’il a un test négatif mais des symptômes il est tiède, et chaud en cas de test positif. Le risque de propagation n’est pas nul, mais ça le réduit ! »
Un an après son arrivée au Québec, Charlène tire un bilan plus que positif de son expérience outre – atlantique : « C’est une expérience de vie incroyable, si une infirmière a dans l’idée de venir au Canada exercer, qu’elle n’hésite pas. Tout n’est pas rose, ce n’est pas un eldorado, mais la différence avec la France est flagrante. Venir ici m’a totalement reboostée. Ce qui est important, c’est d’avoir de la patience, vu le temps que mettent les démarches administratives, et un peu d’argent de côté. »